Category Archives for "Histoire"

Sep 11

10 secondes ou 20 ans de chute

By Antoine | Histoire , Humeur , Politique

« The falling man ». Hommage à lui et aux victimes de la bestialité du 11 septembre 2001

La photo est connue. Et inconnue de beaucoup à la fois. Certains disent qu’elle est « la plus connue des photos inconnues », car la pudeur et une certaine autocensure chez les américains sur les images les plus dures du 9/11 ont effacé ce cliché des medias.

Que faut-il penser de la photo de cet homme, immobile dans sa chute, tête en bas, le corps étrangement symétrique avec l’arrière plan qui défile de plus en plus vite ?

10 secondes de chute.

Est-ce le symbole du triomphe de la mort sur la vie ? Ou plutôt l’inverse : celui de la vie sur la mort car cet homme a choisi sa manière de mourir et il semble être résolu, à défaut d’être calme dans ces circonstances funestes.

Cet homme, je l’admire et je lui témoigne mon respect.

L’Amérique, elle, tombe depuis 20 ans. Le pays s’est fourvoyé dans des guerres mal préparées et encore plus mal exécutées. Les citoyens se sont déchirés entre eux pour en faire les Etats Désunis. Le populisme, la haine, la vulgarité (Trump et les autres)… La chute n’en finit pas. Elle dure plus de 10 secondes.

Mai 08

Ponte Novu, il y a 250 ans

By Antoine | Histoire

Le 8 mai 1769, la bataille de Ponte Novu marquait la fin des 14 années d’indépendance éphémère de la Corse. Le général et père de la nation Corse, Pasquale Paoli, perdait le combat face à 22 000 grenadiers du comte de Vaux. Louis XV pouvait prendre possession de cette ile achetée aux génois en compensation de la dette de ceux-ci…

Cela fait 250 ans que les corses commémorent leur rêve évaporé.

Sauf que… ce rêve se vit ailleurs !

Les grands penseurs et philosophes de l’époque et d’aujourd’hui sont unanimes pour reconnaitre que Paoli fut l’un des principaux inspirateurs du projet d’indépendance et de la constitution nord-américaines. En 1755, la Corse fut le premier régime de l’histoire à se doter d’une constitution la plus droit-de-l’hommiste possible: suffrage universel, droit de vote pour les femmes, séparation des pouvoirs, université libre, bourses d’études au mérite…

Une chanson très émouvante de VOCE VENTU vient raviver ce souvenir. Elle est étroitement inspirée d’une lettre du très jeune Napoléon Bonaparte (le 12 juin 1789) adressée à Paoli, alors parti en exil à Londres, dans laquelle il lui témoigne son admiration. Napoléon naquit le 15 aout 1769, quelques jours après la bataille de Ponte Novu.

Ne fut-il pas l’incarnation de la revanche de la Corse ? Respect.

Je partage avec vous la lecture de sa lettre puis le titre O GENERALE dont vous trouverez les paroles plus bas dans ce post.


Chì alba fù, chì alba era ?
Una nazione o una guerra ?
Chì fù stu maghju veranu neru
A sanguiniccia sott’a bandera.

À mezu à lagni eppo sciagura
Cusì sò natu in terra sdrutta.
Da la putenza senza primura
Privu di noi di u nostru fruttu.

O Generale, O patria disfatta d’ùn avè
a forza è l’arme d’un indegnu vulè.
Cù Ponte Novu aghju vint’anni
È u so frombu mi sarà
O Generale avà un dolu è un spirà.

Cù la cuscenza è lu tramannu,
Contr’à i sbiri è lu guvernu.
U vogliu palisà l’ingannu
Chì misse u populu à caternu.
A verità a vogliu scrive,
Datemi capu O gran Pasquale
Da fallu degnu è fallu vive
Di tutti i Corsi l’ideale.
O Generale, O patria rapita in lu vulè
dà forza à l’arme di lumi è di sapè.
Cù Ponte Novu aghju vint’anni
È u so cantu mi darà.
O Generale avà un scopu è un campà
Ne vogliu esse O Generale
Di u putere la contraparte
Di u rinnovu lu mutale.
Napuleone Bonaparte

Traduction :

Que fut cette aube, qu’était cette aube ?
Une nation ou une guerre ?
Que fut ce mois de mai, ce printemps noir ?
La boucherie sous la bannière
Au milieu des pleurs et des malheurs.

Ainsi je naquis en une terre ravagée
Par la puissance sans scrupule.
Ainsi privé de nous, de notre fruit
O Général, O Patrie défaite de n’avoir pas eu
La force et les armes de l’indigne pouvoir.
Comme Ponte Novu, j’ai vingt ans
Et son souvenir me sera
O Genéral, désormais autant
un deuil qu’une revanche.

Avec la conscience et le tourment
Contre le pouvoir et ses soldats
Je veux dénoncer l’imposture
Qui mit notre peuple aux abois.

La vérité je veux l’écrire
Ecoutez-moi O Grand Pascal
De lui rendre sa dignité, et la faire vivre
En tous les corses, un idéal.

O Général, O Patrie dérobée à l’esprit,
Renforce les armes de lumière et de savoir.
Comme Ponte Novu, j’ai vingt ans
Et son souvenir donnera
O Général, désormais, un sens à mon existence.
Je veux être, O Général,
Du pouvoir le contrepoids
Le porteur du renouveau.
Napoleon Bonaparte

Juin 18

La mort de Vannina d’Ornano

By Antoine | Histoire

Ornano, la barrière,
mais pas que…

Les bordelais connaissent bien la barrière d’Ornano. Ils savent probablement qu’Alphonse d’Ornano fut Maréchal de France à la fin du XVI° siècle.

Mais peu de gens connaissent l’histoire poignante de sa mère, Vannina et de son père, Sampiero Corso, le fameux condottiere chargé par Henri II d’une mission auprès de Soliman le Magnifique et du Bey d’Alger (Alger, toujours !!!) puis qui se mua en combattant acharné tentant de chasser la République Génoise de l’île. Trop tôt et en vain.

Sampiero et Vannina étaient mari et femme. Sampiero fut son bourreau.

Sampiero laisse sa femme à Marseille, en lui donnant procuration pour gérer tous ses biens.

La république de Gênes, ennemie de Sampiero, tire parti de son absence : elle gagne à sa cause l’abbé Umbrone, précepteur des enfants, qui persuade Vannina de venir à Gênes afin d’obtenir la restitution des biens des Ornano, confisqués par la République.

Espérait-elle négocier à Gênes la grâce de son mari, dont la tête a été mise à prix ? On a également suggéré le désir d’échapper à son époux et accusé sa prodigalité et sa conduite légère. Ayant pris sa décision, elle règle alors ses affaires matérielles, emportant tout ce qu’elle peut et vendant tout ce qu’elle laisse. Elle s’embarque ensuite pour Gênes avec son fils cadet Antoine, l’abbé Umbrone et quelques serviteurs.

Sampiero ayant été instruit de cette trahison, il révoque la procuration donnée et ordonne qu’on se lance à sa poursuite. Celle-ci est rattrapée dans la baie d’Antibes. Enfermée dans le château d’Antibes, elle parvient à écrire une lettre aux sénateurs génois pour implorer secours, lettre qui achève de la perdre.

Transférée à Marseille, puis à Aix, elle embarrasse le Parlement d’Aix qui n’ose ni prolonger une détention qui lui semble arbitraire ni, en y mettant un terme, risquer de mécontenter un colonel au service du roi de France. Il adopte alors un compromis par lequel il lui rend l’administration de ses biens, mais lui interdit de quitter la ville.

Ce délai permet à Sampiero de revenir : arrivé à Aix, il demande au parlement qu’on lui rende son épouse, demande qui est accordée contre la promesse de ne pas la maltraiter et avec le consentement de celle-ci.

Le couple revient alors à Marseille : Sampiero lui fait rédiger son testament ce qui lui permet de recouvrer ses biens, dont il a besoin pour financer l’expédition qu’il projette en Corse, puis l’étrangle. Il lui aurait déclaré que la faute qu’elle a commise mérite la mort et de se préparer à mourir. Sans se plaindre, Vannina lui aurait demandé comme seule grâce la consolation d’expirer par les mains de son mari. Celui-ci, le chapeau à la main, lui aurait demandé pardon, et agenouillé, après l’avoir embrassée, lui aurait passé un linge autour du cou avant de l’étrangler.

Sampiero fait ensuite ensevelir sa femme en grande pompe et prend le deuil. Le Parlement d’Aix n’ose sévir, et la Cour accueille froidement la nouvelle. La famille d’Ornano offre alors deux mille ducats d’or à qui ramènerait la tête du colonel, et Gênes quatre mille.

Ces évènements n’empêchent pas Catherine de Médicis de lui confier la tête d’une nouvelle expédition en Corse, où il débarque en 1564. C’est là qu’il tombe en 1567 à dans une embuscade organisée par des mercenaires corses au service de Gênes, parmi lesquels trois cousins de sa femme.

Son fils Alphonse reprend à sa mort le nom de sa mère. Il deviendra Maréchal de France.

Voici la magnifique chanson de VOCE VENTU qui rend hommage à ce drame historique et familial.

Vi vogliu cuntà fanduna

Di l’anu sissantrè

Quandu u ventu di sfurtuna

Si cansed’à u so pare,

È ancu in casa reale

Suminedi timpurale.

 

Girat’avia Arabia

Circataghjentu l’aiutu,

Da Alger a Tunisia

Senza teme lu rifiutu

Si n’hè vultatu in battellu

Samperu lu culinellu.

 

S’era lasciat’à Vannina

In casa cù li figlioli,

Dui belli ghjuvanotti

Di famiglia li maglioli

Tutti sott’à prutezzione

Di u sgio curat’Umbrone.

 

Navighend’a ventu in poppa

E à imbastu trattatu

Pensav’à rientre in casa

Da viaghju faticatu

Quandu ghjunsi a bunfulata

Chi a moglia avia mancatu.

Je vais vous raconter l’histoire

De l’an soixante trois

Quand le vent d’infortune

Décida de faire halte

Jusqu’en la maison royale

Il sema la tempête.

 

Il avait traversé l’Arabie

Quémandant de l’aide

D’Alger en Tunisie

Sans craidre le refus

Il s’en revenait en bateau

Samperu le colonel.

 

Il avait laissé Vannina

A la maison avec les enfants

Deux beaux jeunes hommes,

Soutien de famille,

Tous sous la protection

De l’abbé Umbrone.

 

Naviguant vent en poupe

Et toutes voiles dehors,

Il pensait rentrer chez lui

Fatigué par le voyage,

Que lui parvint la nouvelle

Que sa femme l’avait trahi.